Qu'est-ce que la médiation ?
Distinguer la médiation de la conciliation
L'une et l’autre appartiennent au monde des MARD, acronyme de Modes Amiables (ou encore Alternatifs) de Règlement des Différends.
Si la médiation et la conciliation visent le même but, à savoir parvenir à trouver une solution au litige opposant les parties, les moyens pour y parvenir ne sont pas les mêmes.
La médiation a pour objet d’instaurer le dialogue lorsqu’il n’existe pas, ou de le rétablir lorsqu’il s’est rompu, d’améliorer la qualité relationnelle entre les parties en litige. En revanche, la conciliation est plus directive.
Le médiateur est neutre. Le médiateur aide les parties à trouver leur propre solution, celle qui répondra au mieux aux besoins de chacune des parties. En revanche, le conciliateur leur propose ce qui lui semble être la solution à leurs problèmes.
La médiation vise la résolution du conflit dans sa globalité tandis que la conciliation se limite à celle du litige qui n’est que la manifestation apparente du conflit profond. L’image de l’iceberg illustre parfaitement cette distinction.
Une autre différence entre ces deux modes de résolution des conflits concerne la rémunération : contrairement à l’intervention du conciliateur de justice qui est gratuite, celle du médiateur ne l’est pas et l'usage ainsi que l'équité veulent que ses honoraires soient partagés entre les parties.
Distinguer la médiation de l’arbitrage
En matière d’arbitrage, les parties choisissent leurs arbitres qui seront leurs juges privés. Indépendants de la justice d’Etat, ils disposent d’une certaine liberté. Ils peuvent juger en équité ou en considération de l’intérêt commun des parties sans être tenus, comme les autres juges, au strict respect de la règle de droit.
Ils rendront une sentence arbitrale valant jugement.
Le rôle du médiateur est de faire respecter le cadre et les codes du processus de la médiation, mais ce sont les parties en présence qui dégagent elles-mêmes, entre elles seules, un accord amiable dans lequel le médiateur ne s’immisce pas.
En droit
La médiation est un mode alternatif de résolution des différends par lequel, grâce à un processus structuré mené par un tiers (le médiateur), les parties tentent de parvenir à un accord. Le médiateur, tiers au conflit et aux parties, accomplit sa mission en toute indépendance avec impartialité, compétence et diligence.
La médiation est possible dans tous les domaines où les parties ont la libre disposition de leurs droits. Elle est impossible dans toutes les matières relatives à l’ordre public comme par exemple la filiation.
* L’article 21 de la loi n° 95-125 donne la définition suivante de la médiation :
« La médiation s’entend de tout processus structuré, qu’elle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige. »
Textes de références :
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Médiation judiciaire : art. 131-1 à 131-15 du code de procédure civile
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Médiation administrative : art. L.114-1 et L.213-7 du code de justice administrative
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Médiation conventionnelle : art. 1528 à 1535 du code de procédure civile




Quand entrer en médiation ?
Dans le langage courant et même dans certaines décisions de justice, il est parfois question du juge qui ordonne une médiation. Il s’agit bien sûr d’un abus de langage puisque la médiation ne peut pas être imposée (…quoique !*), mais simplement suggérée par le juge qui, «saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne (…) pour leur permettre de trouver une solution au litige qui les oppose. » (article 131-1 du Code de procédure civile)
Pour le juge, recueillir l’accord des parties n’est pas chose aisée car la médiation est mal identifiée du fait qu’elle s’entremêle au sein du magma des modes de résolution amiable des différends sans que, communément, l’on sache précisément faire la distinction entre négociation, conciliation, médiation et parfois arbitrage.
L’injonction du juge aux parties de rencontrer un médiateur peut permettre de pallier cette difficulté. Celui-ci prendra son temps pour leur exposer ce qu’est la médiation, en quoi elle consiste, ce qu’elles peuvent en retirer, ses tenants, aboutissants et ses limites.
C’est après cette information seulement que les parties, disposant d’un avis éclairé, pourront ou non prendre la décision d’opter pour la voie de la médiation.
Pour autant, si cette option intervient le plus souvent en début du procès, elle est possible tout au long de la procédure de première instance (au fond ou en référé) comme d’appel, particulièrement lorsque l’affaire «a mûri » et que les parties, bien moins sûr d’elles qu’au début de l’instance, ont pu se rendre compte au fil des échanges de conclusions que, prudence étant mère de sûreté, il peut être avisé de se prémunir de l’aléa judiciaire.
* Si le juge ne peut imposer la médiation, le législateur ne s’en prive pas puisque depuis un certain temps, il assure sa promotion en l’imposant notamment avec l’article 54 du code de procédure civile qui sanctionne la demande en justice par la nullité si elle n’a pas été précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative. Il en est de même avec l'article 750-1 du code de procédure civile.
Le déroulement de la médiation
Le déroulement des médiations n’est pas figé dans le marbre : il peut varier selon les médiateurs et selon les cas de figure.
Pour ma part, la médiation se déroule le plus souvent de la manière suivante.
Une première réunion d’information n’engageant à rien
D'une durée de 30 à 60 minutes, la première réunion (éventuellement en visio-conférence) a pour objet d’exposer le cadre de la médiation, le rôle de chacun et de s’assurer que le contrat d’entrée en médiation est correctement compris. Chacun dispose alors d'un exemplaire en vue de sa signature dans un délai déterminé.
La médiation ne commencera qu’une fois ce contrat signé par les parties.
Si les parties entrent en médiation, le coût de cette première réunion fait partie du forfait tarifaire ; si elles ne donnent pas suite, aucune facturation n’interviendra.
Concernant le médiateur
Il met l’accent sur les principes déontologiques guidant la pratique de la médiation :
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le principe de compétence : résultant de la formation initiale puis continue ainsi que de l’expérience, ce principe se décline en divers points car, au titre de la compétence, le médiateur sait être ouvert et disponible, avoir une écoute attentive et bienveillante, avoir l’empathie et le charisme nécessaire pour conduire à bien le processus de médiation. La compétence, c’est aussi l’autorité avec laquelle le médiateur mène le processus de médiation ; cette autorité est d’ailleurs le seul pouvoir que peut manifester le médiateur pour faire respecter le processus de la médiation ; il en est le maître et le garant.
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le principe d’impartialité peut être résumé par la formule : « Je ne suis ni pour l’un ni pour l’autre » (lequel peut être avantageusement remplacé par le principe de la « pluri-partialité » traduit par la formule : « je suis là pour l’un ET pour l’autre »).
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le principe de neutralité : la solution retenue par les parties n’importe pas au médiateur; l’enjeu de la médiation n’étant pas le sien, l’accord que dégageront les parties lui est indifférent.
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le principe d’indépendance : d’une part, le médiateur n’entretient aucune relation personnelle ou d’affaire avec l’une ou l’autre des parties, d’autre part, il se met en position de résister à toutes pressions de quelque nature que ce soit.
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le principe de loyauté se définit comme la fidélité aux engagements pris (notamment au serment qui fait la part belle à la confidentialité comme étant une exigence intrinsèque à la fonction), au respect des règles de l’honneur et de la probité.
Serment du médiateur : « Je jure d’exercer ma mission de médiateur en mon honneur et conscience et de ne rien révéler ou utiliser de ce qui sera porté à ma connaissance à cette occasion. » Art. 10 du décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 relatif à la liste des médiateurs auprès de la cour d’appel.
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le principe de diligence que je traduis par la notion de « dynamisme de la médiation » qui est l’une des conditions du bon fonctionnement du processus.
Concernant les parties à la médiation, l’accent sera mis sur les points essentiels suivants :
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respecter la confidentialité : elle concerne tous les participants : les parties, leurs conseils ainsi que le médiateur lui-même qui, dans le cadre d’une médiation judiciaire ou administrative, n’a aucun compte à rendre au juge qui l’a désigné si ce n'est lui faire part du succès ou de l’échec de la médiation, sans jamais rentrer dans aucun détail. Ainsi, les éléments échangés au cours de la médiation ne pourront en aucun cas être utilisés devant le juge si, en cas d’échec de la médiation, le litige doit reprendre le chemin du tribunal.
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respecter l’autre en considérant que chacun est l'égal de l’autre ; que la parole de l’un vaut celle de l’autre.
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Considérer qu’autour de la table tout le monde est de bonne foi.
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Faire l’effort de s’exprimer, de dire ce que l’on a sur le cœur ; mais aussi faire l’effort d’écouter l’autre, d’accueillir sa parole.
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Se rappeler que la démarche d’entrer en médiation est totalement libre, ce qui implique qu’à tout moment, chacun est libre d’en sortir.
Le médiateur peut également considérer qu’il n’est pas possible de poursuivre la médiation.
Les réunions suivantes
Elles ne peuvent intervenir qu’après réception des conventions d’entrée en médiation signées de chaque partie et du règlement de la part des honoraires leur incombant (en principe par parts égales).
Il pourra s’agir soit d’autres réunions plénières, soit de réunions individuelles. En effet, la médiation ne ressort pas du contradictoire de sorte que le médiateur peut s’entretenir confidentiellement avec l’une ou l’autre des parties, en présence ou non de leurs conseils, y compris lors d’intermèdes (appelés “apartés“ ou “caucus“) en dehors ou au cours des réunions plénières.
Il va de soi que la dernière réunion sera plénière pour permettre aux parties, par le dialogue, de dégager sinon LA solution, du moins la meilleure solution possible au litige qui les oppose.

Une médiation dynamique
Pour ne pas s’éterniser, la médiation doit être dynamique ; elle ne doit pas traîner en longueur et s’enliser. En conséquence, la tenue de la session de médiation sera organisée rapidement. Il revient au médiateur d’en déterminer le calendrier avec les parties et d’en assurer un suivi rigoureux.
Dans la majorité des cas, une fois réglée la question de l’entrée en médiation dans le cadre de la réunion préalable, je concentre la session de médiation proprement dite sur une journée complète. On peut par exemple imaginer une réunion individuelle avec une partie de 10h30 à 12h, avec l’autre partie de 13h30 à 15h suivie d’une réunion plénière à compter de 15h30 …pour le temps qu’il faudra !
Ce tempo présente tous les avantages :
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les parties et leurs conseils, s’étant libérés pour l’occasion, sont disponibles (disponible à prendre au sens de « libre, ouvert ») de sorte que les personnes présentes ne seront pas distraites ou accaparées par des sollicitations extérieures ;
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en outre, tous les acteurs, ayant préparé avec soin cette réunion – normalement la seule (sauf médiations particulières) -, auront à cœur de la " rentabiliser au maximum “ pour ne pas gâcher la chance de sortir du conflit par le haut ;
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une session de médiation dans un temps ramassé permet à chacun de perdre le moins de temps possible et de se consacrer pleinement à l’exercice ;
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une séquence unique évite de repartir quasiment de zéro à l'épisode suivant;
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en outre, qui dit séance unique dit d’abord abandon de tout risque dilatoire ; dit aussi nécessité de se préparer à se positionner sur une solution ou une autre.
Il va cependant de soi que ce tempo est variable en fonction des parties et de leur disponibilité, en fonction également des types de litige. Une fois encore, en matière de médiation, rien n’est figé dans le marbre.
Faut-il pour autant conclure un accord définitif si les parties sont tombées d’accord ? Personnellement, je ne le pense pas, surtout si l’une n’est pas accompagnée d’un avocat. Il semble préférable d’acter entre elles leur projet d’accord et leur conseiller de prendre un minimum de temps pour en parler, qui à son notaire, qui à son avocat ou qui à son expert-comptable avant de signer un accord définitif qui n’en sera que plus sûr parce que mûrement réfléchi.